(Article épinglé)
NOTE:
Cet article est particulièrement long. Pour une courte présentation du VPP, voir l’article « Introduction au VPP et au VPP majoré«
Le (très long) texte qui suit a d’abord été publié sur le blogue Dixit Bertrand, en septembre 2016, sous le titre Vote parlementaire pondéré : Une forme inédite de proportionnelle. Nous le reproduisons intégralement.
Notez que l’auteur du texte est également administrateur du présent blogue.
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VOTE PARLEMENTAIRE PONDÉRÉ :
UNE FORME INÉDITE DE PROPORTIONNELLE
Dans un texte précédent, j’ai sommairement introduit la notion de «vote pondéré» chez les parlementaires. Je pousse aujourd’hui la réflexion beaucoup plus loin et présente un système élaboré que j’ai soumis à un certain nombre de simulations.
INTRODUCTION
Le «vote parlementaire pondéré» (VPP) signifie de rendre inégaux le poids du vote des députés afin que ces votes aux parlements reflètent les appuis que les députés et leurs partis respectifs ont réellement reçus lors du suffrage.
J’ai expliqué que cette notion corrigeait trois défauts du système uninominal à un tour, à savoir :
- La distorsion entre la proportion de sièges obtenus par un parti et celle du suffrage exprimé;
- La distorsion entre des circonscriptions de tailles différentes;
- La distorsion entre des élus ayants des appuis de différentes ampleurs.
Avec une proportionnelle de ce type, le système politique parlementaire actuel ne subirait que des changements mineurs; il ne s’agit pas d’une refonte mais bien d’un simple changement de convention.
Évidemment, choisir un mode proportionnel vient avec des impacts, dont le risque d’instabilité; tout mode proportionnel tend à mieux refléter sa société et à s’éloigner du bipartisme, et donc, à produire des gouvernements minoritaires où la segmentation est facilitée au détriment de la domination des partis les plus représentés, contrairement au système uninominal à un tour avec vote parlementaire égalitaire, qui favorise généralement le bipartisme au détriment des tiers partis.
C’est pourquoi un système proportionnel confère généralement, par convention, un avantage au parti vainqueur afin de protéger, dans une certaine mesure, sa stabilité. Le vote pondéré des parlementaires peut très bien s’accommoder – avec une facilité étonnante – d’une telle mesure de stabilisation, comme on le verra plus loin (avec ce que j’appellerai le VPP majoré).
AVANTAGES SECONDAIRES
Outre la solution aux trois distorsions nommées plus haut, la facilité de la transition par le maintien quasi intégral des infrastructures et traditions électorales (circonscriptions, chambres, etc.), le vote parlementaire pondéré permettrait, avec le temps, d’établir des cartes électorales plus adéquates; il serait moins nécessaire de les faire correspondre à des normes de quantité de population, mais les cartes tendraient plutôt à aller vers normes de réalités physiques, telles que des frontières naturelles ou des limites territoriales ou administratives existantes et vers une meilleure adéquation envers des profils populationnels s’écartant de la moyenne.
Aussi, ce système a la particularité de ne faire appel à aucune liste arbitraire; tous les députés doivent passer par le filtre du suffrage (comme dans le système actuel), et le mérite individuel demeure un critère primordial. C’est dans la tradition de notre système.
Enfin, le VPP favorise les campagnes actives, la sortie de vote et l’incitation à la participation : chaque candidat a avantage non seulement à gagner localement mais également à maximiser son suffrage, même s’il n’a aucune chance de gagner, puisqu’il participe au calcul du poids total que son parti aura concrètement. Du point de vue de l’électeur, sachant que chaque vote contribue au calcul du poids des partis, il y trouvera une motivation à voter plutôt qu’à se laisser aller à une abstention fondée sur l’improbabilité de voir son candidat gagner.
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VOTE PARLEMENTAIRE PONDÉRÉ
Je rappelle les grands principes du vote parlementaire pondéré. Autant que possible, je n’entre pas dans les formules de calcul afin d’alléger le texte, mais ces formules sont toutes très simples.
- Un député élu (celui ayant le plus de votes lors de l’élection, comme actuellement) se voit attribuer, pour son vote au Parlement, un poids relatif en fonction de son suffrage (nombre de votes en sa faveur par rapport à l’ensemble des votes valides sur tout le territoire).
- À ce poids, on ajoute un poids supplémentaire représentant les «votes perdus» de son propre parti dans d’autres circonscriptions gagnées par des partis adversaires; ce poids supplémentaire lui est attribué au prorata du poids établi par le principe #1. Un élu indépendant ne profite pas de ce poids supplémentaires, n’étant rattaché à aucun parti.
- Un parti qui n’a pas d’élu mais qui récolte des suffrages au-dessus d’un certain seuil, se fait attribuer un «représentant» au Parlement, représentant qui obtient le poids total de son parti (toujours selon le suffrage).
J’ai adopté quelques conventions pour combler les vides et assurer la cohérence d’un tel système :
- Un poids-plancher est établit à 0,5; aucun député ne peut obtenir moins que ce plancher. (L’idée étant qu’un élu doit avoir un minimum de reconnaissance sans quoi il risquerait d’être simplement ignoré ou de se désintéresser des votes au parlement).
- Les poids sont arrondis au quart le plus près (0,5 – 0,75 – 1 – 1,25 – etc.)
- Le total des poids des élus et des représentants doit égaler le nombre total de sièges.
- Le total des poids par parti doit être égal, au quart près, à son poids avant le principe #4. (Cela oblige à ajouter ou retirer des quarts à quelques élus les plus avantagés ou les plus désavantagés par le principe #5. C’est une forme de transfert de poids entre élus du même parti pour assurer le poids-plancher et les arrondissements au quart près.)
- Pour obtenir un représentant au Parlement, un parti sans élu doit avoir récolté un suffrage total, à la grandeur de tout le territoire, au moins égal à la fraction que représentent les votes valides divisés par le nombre de circonscriptions. (Sous ce seuil, le parti n’a pas suffisamment d’appuis pour justifier un seul siège.) Par exemple, à Québec, il faudrait avoir récolté 1/125e des votes valides pour se mériter un représentant.
- Le représentant, lorsque le principe #8 le permet, est celui, parmi les candidats du parti à l’élection, qui a obtenu le meilleur rang, et, en cas d’égalité de rang de plusieurs de ces candidats, celui qui a obtenu le plus de suffrages. (Il s’agit ici d’une méthode objective pour désigner les représentants.)
Options possibles :
- On pourrait fixer un plafond au VPP, mais ça ne changerait que le nombre de représentants et on s’éloignerait alors un peu de la philosophie générale qui soutient ce système, qui est de respecter les victoires dans les circonscriptions, comme dans le cadre actuel.
- On pourrait aussi fixer à la fois un plafond au VPP ET un plafond (prévalent) au nombre de représentants, ce qui serait, à mon sens, un compromis heureux si cette limite au nombre de représentants était basse (2 ou 3); à deux, c’est déjà une équipe, ce qui diffère de la situation du représentant solitaire.
SIMULATIONS – SURVOL
J’ai effectué une simulation sur chacune des onze dernières élections au Québec, 6 provinciales (1998 et +) et 5 fédérales (2004 et +), afin de voir concrètement, circonscription par circonscription, ce que le VPP produirait.
Ces onze simulations montrent que :
- Le nombre de représentants varie de zéro à deux par élection, pour un total de 9 représentants sur 11 élections
- 4 élections sans aucun représentant
- 5 élections avec un seul représentant chacune
- 2 élections avec 2 représentants chacune.
- Les partis qui auraient bénéficié de représentants sont exclusivement :
- Au fédéral : PVC
- Au Québec : UFP, QS, PVQ, ON.
- Les VPP allant de [1-¼] à [1+¼] représentent une grande majorité des députés
- 78% au Québec
- 70% au fédéral.
- Les poids égaux ou supérieurs à 3 représentent une faible minorité :
- 2% au Québec
- 1% au fédéral.
- Au fédéral, le poids maximal d’un député aurait été de 21,5 (pour un représentant du Parti vert en 2008, lequel avait eu 7% de suffrages).
- Au Québec, le poids maximal d’un député aurait été de 15,5 (pour un élu unique de l’ADQ en 1998, laquelle avait eu 12% de suffrages).
En résumé, les poids sont généralement peu distants de la moyenne (moyenne=1) mais pour les rares représentants (non élus) et les élus de partis trop faiblement représentés aux parlements, les poids prennent des valeurs importantes. Graphiquement, la distribution donne ceci :
Figure 1

Figure 2

Figure 3

Un exemple pour clarifier : sur les onze élections, 10% de tous les députés fédéraux et 11% de tous les députés provinciaux auraient eu un VPP de 1,25 (1 ¼).
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Discutons de deux problèmes, l’un plutôt philosophique, et l’autre, plutôt pragmatique. Ces deux points vont trouver une solution commune.
PROBLÈME D’ÉGALITÉ
On l’a dit dans le texte précédent, le VPP demande d’abord de briser la convention du : «un élu, un vote». C’est son obstacle principal (après celui de décider d’instaurer un mode proportionnel). L’égalité des votes entre députés est ancrée dans les esprits, et ça se comprend. Alors que des votes proportionnés à des titres de copropriété ou de délégations est d’une banalité ordinaire dans la société civile et commerciale, on voit les élus comme des personnes où les opinions doivent se valoir. Parce que des personnes discutant autour d’une table sont égales quand vient le temps de voter sur une idée, on hésite à réduire un débat d’idée à un calcul de pondération.
Il est certain que les élus n’aimeraient pas se sentir plus ou moins influents du simple transfert de «votes perdus» ou dû au hasard de la taille de leur circonscription. Il est certain que certains en prendraient ombrage quand ils verraient l’attention apportée à un élu ou un représentant qui aurait un poids massif par rapport aux leurs.
Il faudra d’une part se rappeler que c’est le but ! Les députés ne seraient plus seulement des candidats victorieux, ayant mérité le privilège de prendre les décisions d’État, mais redeviendraient pleinement des gens chargés de «représenter» la population, dans les proportions que celle-ci a décidées. On le sait, on vote pour un candidat mais on vote surtout pour un parti. Et franchement, quand le vote des élus en chambre se fait selon la ligne de parti, qu’il soit pondéré ou non, les députés y sentiraient-ils vraiment une différence?
D’autre part, seulement les votes seraient pondérés, pas le reste du travail de député, pas le travail d’influence en commission, pas le travail en circonscription.
Troisièmement, tout n’a pas à être soumis au VPP. On peut penser que certains domaines (à être clairement établis) seraient soumis au vote traditionnel (un élu, un vote). Par exemple, si ça concerne uniquement le fonctionnement interne du Parlement. Mais je ne veux pas m’avancer là-dessus, ce sera aux parlementaires de le faire.
PROBLÈME DE STABILISATION
Comme dit précédemment, la proportionnelle vient avec divers impacts, dont l’inclination vers des gouvernements minoritaires et le risque d’instabilité. Aussi peut-on penser à introduire un élément de stabilisation, une «prime au gagnant». Bien sûr, on souhaite avant tout qu’un gouvernement réussisse à gouverner en faisant alliance avec d’autres partis afin que les compromis soient les plus pérennes possibles, que la satisfaction la plus répandue soit garante de la stabilité. Mais on souhaite aussi ne pas être toujours en situation de blocage, de chantage ou d’éternelle faiblesse, ressemblant à un gouvernement à l’italienne qui repart en élection à la moindre divergence.
VPP MAJORÉ
Une forme de «prime au gagnant» serait d’ajouter au VPP un poids additionnel à chaque député, mais cet ajout respecterait le principe du : «un élu, un vote». Ainsi, on pourrait ajouter ¼, ½, ¾, ou 1 vote entier à chaque député et représentant (mais de façon parfaitement égalitaire), choix à établir comme société. Ainsi, plus un parti a d’élus, plus il se distance de son poids purement proportionnel. Le parti remportant l’élection parce qu’il a le plus d’élus, bénéficierait donc d’une prime proportionnelle à son succès en terme de nombre de sièges.
Et on remarque que cette majoration égalitaire répond tant au problème de stabilisation qu’au problème d’égalité, décrits plus haut.
Dans mes simulations, je calcule les résultats sans prime («VPP brut»), avec prime («VPP majoré») de «+½» par député (élu ou représentant) et avec prime de «+1». Plus la prime est grande, plus on se rapproche du système actuel. Choisir la hauteur de la prime revient donc à choisir, en quelque sorte, le compromis entre la proportionnelle pure et le statu quo.
SIMULATIONS – ÉLECTIONS RÉCENTES
Figure 4

Figure 5

Je juxtapose, dans ces graphiques, les proportions en % :
- des sièges (élus et représentants)
- des suffrages
- du VPP brut total
- du VPP majoré (à ½ par député)
- du VPP majoré (à 1 par député)
La proportionnelle vise toujours à réduire les écarts entre les deux premières proportions (sièges et suffrages).
Le VPP brut est, par définition, toujours très près des suffrages; les petits écarts sont dû aux quelques votes reçus par des indépendants et des partis ne s’étant pas qualifiés pour l’attribution d’un représentant.
Il est opportun ici de rappeler que cette méthode (VPP brut ou VPP majoré) ne change en rien le nombre d’élus pour chaque parti par rapport au système uninominal à un tour; seuls un ou deux représentants sont ajoutés lorsque justifié pour les petits partis sans élu et ayant obtenu suffisamment d’appuis. En 2014 et 2015, aucun parti ne s’était qualifié pour l’obtention d’un représentant. Ce qui change, par contre, c’est les poids relatifs des votes de députés en chambre.
La barre des 50% est la frontière entre gouvernement minoritaire et gouvernement majoritaire. On remarque que même avec le VPP majoré à 1, ni le PLC ni le PLQ ne seraient majoritaires lors de votes (tout en sauvegardant leurs pluralités d’élus).
IMPACTS – CANADA
Voici le tableau des députés (élus et représentants) des cinq dernières élections fédérales :
Figure 6

On voit le peu d’impact que le VPP aurait sur cet aspect : les 3 représentants (en rose) au Parti vert. C’est sur un autre aspect que l’impact agi : l’écart entre l’influence (nombre de sièges à vote égalitaire) et le suffrage exprimé, i.e. la sur-représentation ou la sous-représentation, selon le cas.
Figure 7

Cette grille correspond, grosso modo, aux distorsions que corrigerait le VPP. Par exemple, le PLC a obtenu, en 2015, environ 15% trop de sièges par rapport à son suffrage réel. Le VPP (brut) aurait diminué l’influence du PLC au sein de la chambre de ce même 15%.
Ici, il est approprié de rappeler que les élections de 2004 à 2008 ont produit des gouvernements minoritaires, contrairement à 2011 et 2015. Les distorsions sont liées au type de gouvernement produit. Mais elles sont aussi liées à la force de partis localement.
En règle générale :
- les distorsions sont moindres en situation de gouvernement minoritaire;
- les grands partis nationaux qui sont au premier et, dans une moindre mesure, au deuxième rang profitent de la distorsion, alors que les autres en sont désavantagés;
- un parti fort localement (dans une région) peut aussi être avantagé. C’était le cas du BQ avant 2011.
IMPACTS – QUÉBEC
Reprenons le tableau des élus et représentants :
Figure 8

Encore là, les impacts ne sont pas importants, mais légèrement supérieurs qu’au fédéral. Six représentants (en rose) sur 4 élections dont 2 donnant un gouvernement minoritaire (2007 et 2012).
Voyons les distorsions :
Figure 9

On remarque tant au Québec qu’au fédéral que des tiers partis seraient apparus aux parlements dès 2003 et 2004. Est-ce que QS aurait existé si l’UFP avait été déjà à l’Assemblée nationale? Est-ce que ON et le PVQ auraient réussi à s’implanter plutôt que de décliner? La réponse est dans le tableau suivant :
Figure 10

Il ne fait aucun doute à mon esprit qu’à tout le moins, le PVQ se serait implanté. Et probablement que la progression de UFP-QS aurait été plus marquée. C’est dire que l’évolution au Québec aurait pu être finalement très différente, et même méconnaissable. Avec un brin d’imagination, plusieurs scénarios laissent songeurs… Reprenez la figure 5 en ajoutant ces conclusions quant aux PVQ et UFP-QS, imaginez les alliances potentielles. Refaites l’exercice avec l’élection 2012 :
Figure 11

Vous risquez de trouver que la majoration de stabilisation n’est vraiment pas une mauvaise idée !
ÉLECTIONS À DATE FIXE
Avec un système proportionnel, il faut vraiment se demander si on devrait encore permettre des élections déclenchées autrement que par l’aboutissement du terme prévu à la loi. J’accrocherais plutôt une clause, à la réforme, dictant qu’il appartient à l’ensemble des députés de déterminer quel parti (ou groupe de partis) forme le gouvernement, exception faite du premier gouvernement suivant une élection, qui va automatiquement au parti ayant le plus grand suffrage.
En d’autres mots, il faudrait modifier la tradition selon laquelle le Gouverneur-général (ou lieutenant-gouverneur, selon le cas) peut dissoudre la Chambre avant terme, simplement en lui imposant d’offrir à chaque parti, par ordre décroissant du nombre de sièges, de former un gouvernement de coalition. Ainsi, la dissolution de la Chambre deviendrait un dernier recours. Il s’agit déjà d’un privilège qui lui est dévolu, tombé en désuétude, qu’il faudrait réactiver dans le cadre de la réforme; nul besoin de modifier la constitution.
ÉLECTIONS PARTIELLES, DÉMISSION, EXCLUSION et TRANSFUGE
Que faire avec le VPP dans les cas de démission ou de changement de parti d’un député (que ce soit par la volonté du député lui-même ou à la suite de son exclusion du caucus de son parti)?
Le départ ne pose pas de problème; c’est comme un député absent au moment d’un vote.
Quant à son remplacement lors d’une partielle, lui, il doit être encadré. La solution toute simple est de refaire les calculs de VPP pour l’ensemble des députés, en substituant toutefois les résultats de la partielle à ceux de l’élection générale dans la circonscription concernée. Mais avec une clause de ne pas modifier les statuts du parti gouvernemental et du parti d’opposition officiel, à moins d’un vote de non confiance perdu à cet égard, bien sûr.
Le cas de l’élu-transfuge est moins évident. J’opterais pour procéder aussi à un recalcul mais ce transfuge pourrait ne bénéficier que du poids dû au suffrage que son nouveau parti avait reçu dans sa circonscription, et non du poids des votes perdus transférés (tel que décrit au paragraphe 2 de la section «Vote Parlementaire Pondéré» au début du document. Cela revient à la situation d’un élu indépendant. Pour le transfuge, il s’agit assurément et mathématiquement d’une perte de son poids, puisque ayant été élu, il était au premier rang des suffrages et qu’une fois transfuge, ça ne peut plus être le cas.
Enfin, le représentant-transfuge devrait être simplement interdit, puisqu’il n’a pas été élu. S’il veut changer de parti, il doit démissionner. S’il est exclu de son parti, il doit aussi démissionner. On offrirait son poste à ceux qui venaient après lui dans l’application du principe #9.
VOTE ÉLECTRONIQUE (aux parlements)
Puisque les poids des votes sont individualisés, il faudra un calcul d’addition pour déterminer les résultats de votes parlementaires. Ces résultats seront évidemment des multiples de quarts de votes en raison du principe #5.
Il serait tout à fait souhaitable de doter les pupitres des députés de claviers pour que chacun y enregistre son vote et que le calcul soit électroniquement et instantanément fait. Ce qui n’est pas sans lien avec l’une des propositions dans le manifeste de Sylvain Pagé, qui y faisait le lien aussi avec la liberté face à la ligne de parti et les tendances de chaque député. Le vote électronique, en accélérant la procédure, favoriserait peut-être d’y recourir plus et plus librement.
LE CAS «1998»
Le cas de l’élection québécoise de 1998 doit être regardé de plus près.
Figure 12

Il s’agit de l’élection où le PQ sous Lucien Bouchard a obtenu une pluralité de sièges avec moins de votes que le PLQ de Jean Charest. C’est le début de la fragmentation du vote dit «francophone». L’ADQ obtient un seul député mais un suffrage beaucoup plus important. Les dossiers de l’époque : Verglas, Déluge du Saguenay, CPE, Assurance médicaments, Déficit zéro, Virage ambulatoire, Retraites massives des infirmières.
Cette élection est charnière; elle annonce la fin du bipartisme au Québec.
Ce qu’il faut relever surtout, c’est que le VPP brut donnerait un gouvernement minoritaire libéral et le VPP majoré irait jusqu’à un gouvernement majoritaire au PQ, tout en n’ayant pas la pluralité des voix. Autrement dit, la distorsion entre proportion de suffrages et proportion de sièges pourrait perdurer malgré la réforme. L’importance de la carte électorale est, dans ce cas, manifeste. La concentration régionale du vote d’un parti crée cette situation qui pose un défi à tout système.
Pour le dire encore autrement, une minorité qui s’enclave dans une région perd en possibilité d’intégration à la majorité et en représentation proportionnelle, mais gagne en force de résistance et de survie. C’est le cas des anglophones au Québec et le cas des Québécois au Canada. La ghettoïsation d’une communauté provoque ce double effet qu’il est difficile de gérer, quel que soit le système. La situation des anglophones du Québec est un cas d’espèce, étant une minorité au sein d’une minorité.
La pureté des principes ne peut, en ce cas, qu’avoir plusieurs vérités que nul ne saurait trancher, chaque minorité étant justifiée de se protéger en se regroupant.
Néanmoins, ce cas de 1998 nous rappelle que la mise en place d’une proportionnelle doit garder une préoccupation particulière à l’égard de la carte électorale et des ghettos culturels. Un choix comporte toujours une part de renoncement. Il est possible que le choix du VPP majoré comporte le renoncement à corriger les effets de la ghettoïsation, de temps à autres.
LA VOLONTÉ POLITIQUE
On le sait, l’inertie des gagnants d’un système est un frein à modifier ce système qui les récompense. Je ne me fais pas d’illusion. On aura beau proposer un bon système, s’il demande un sacrifice aux gagnants de ce système, il y a peu de chances qu’ils l’adoptent.
Néanmoins, le VPP majoré a peut-être l’avantage de ne pas être trop éloigné du système actuel. À la rigueur, on pourrait même prévoir une transition où la majoration serait décroissante d’élection en élection afin de passer très graduellement du statu quo vers le VPP peu majoré.
LES PROVINCES : FRONTIÈRES OU NON ?
Les calculs du VPP et du VPP majoré ne tiennent pas compte des frontières provinciales ou territoriales. Puisque les circonscriptions sont respectées, je n’en vois pas l’utilité. Mais on pourrait envisager de le faire, en modifiant le principe #7, pour introduire les cohérences régionales. Cela, probablement, ajouterait des représentants. Je n’ai pas fait de simulation là-dessus.
CONCLUSION
Le système de VPP et VPP majoré, décrit dans ce texte, est une idée essentiellement théorique, appuyée par des simulations faites sur onze élections, fédérales et provinciales.
Il ne révolutionne rien mais introduit une façon innovante de satisfaire au désir de réparer l’iniquité perçue entre le suffrage exprimé et les sièges obtenus par différents partis.
Ce système tente de récupérer la structure matérielle traditionnelle du système actuel afin de restreindre le plus possible le changement au périmètre des parlements et à leurs règles.
Ce texte ne préconise pas l’adoption ou non d’un système proportionnel; il ajoute simplement une option si ce choix était fait. Il ouvre une fenêtre qui, à ma connaissance, n’a jamais été ouverte.
J’ai quand même la prétention que ce système possède des avantages particuliers :
- L’implantation en est simple
- La distance avec le système actuel est assez faible
- Il répond aux objectifs recherchés par une proportionnelle
- Il représente un compromis entre statu quo et proportionnelle pure
- Il offre des options pouvant ajuster le système aux choix de la société
- Il ne fait appel à aucun arbitraire lors de son fonctionnement
- Il favorise la participation active des candidats et des électeurs.
Bertrand Lemire
2016-09-04
AJOUT 2024-09-24:
Représentation schématique des transferts de poids

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